Chirurgie cancérologique digestive

La chirurgie cancérologique digestive (ou oncologie digestive) est la spécialité chirurgicale dédiée aux cancers de l’appareil digestif, c’est-à-dire les cancers du côlon et du rectum, de l’anus, ou du pancréas, assez fréquents, ou de l’œsophage, l’estomac ou le foie, plus rares.

La prise en charge chirurgicale s’intègre dans une démarche pluridisciplinaire associant des gastro-entérologues, des chirurgiens, des radiologues, des radiothérapeutes etc., sous la coordination des oncologues, afin de conjuguer toutes les meilleures options thérapeutiques.

Le cancer de l’anus peut le plus souvent être guéri sans chirurgie.
Les caractéristiques et méthodes opératoires chirurgicales propres à chacun de ces cancers sont exposées ci-après :

Cancer colorectal (côlon et rectum)

Caractéristiques et symptômes

Le cancer colorectal (du côlon et rectum, dernière partie du gros intestin) est le 3ème cancer le plus fréquent en France, toutes parties du corps et hommes et femmes confondus (après celui du sein et celui de la prostate), et représente 43.000 cas environ par an.

Il se développe le plus souvent à partir de cellules glandulaires qui tapissent la paroi du côlon et du rectum, qui évoluent en polype adénomateux puis en adénocarcinome.

Ce cancer, s’il est dépisté assez tôt, est guéri dans 9 cas sur 10.

Le cancer colorectal qui débute ne provoque pas de symptômes, il est donc important de se faire dépister régulièrement, selon les préconisations du médecin traitant.

A un stade plus avancé, les symptômes apparaissent : sang dans les selles, diarrhées ou constipation, vomissements et nausée, fatigue, perte de poids et d’appétit.

En cas de test positif lors d’un dépistage ou en cas de symptômes significatifs, une coloscopie sera pratiquée pour confirmer le diagnostic, dénombrer et localiser précisément la ou les tumeurs.

Facteurs de risque du cancer colorectal

Les facteurs de risque sont :

  • l’âge (pic d’incidence situé entre 50 et 80 ans),
  • tabagisme,
  • consommation d’alcool, de viande rouge et charcuteries,
  • surpoids ou obésité,
  • antécédents de maladie inflammatoires de l’intestin (Rectocolite hémorragique, maladie de Crohn),
  • antécédents familiaux de cancer colorectal ou tumeurs précancéreuses,
  • gêne prédisposant à ce type de cancer.

Dans 75% des cas, ce cancer est détecté au stade d’une tumeur unique développée sur la paroi de l’intestin, avec atteinte des ganglions proches, et dans 25 % des cas, des cellules ont migré (métastases) vers d’autres organes (foie, poumons…).

Chirurgie du cancer colorectal

Le traitement du cancer colorectal inclut nécessairement une chirurgie, dont le but est de retirer la partie du côlon ou du rectum atteinte par la tumeur, en prenant une marge saine et en prélevant les ganglions correspondant.

Les tissus prélevés seront analysés pour déterminer le type et l’étendue du cancer.

L’exérèse d’une partie de côlon ou de rectum peut souvent être réalisée par cœlioscopie, c’est-à-dire par de minces ouvertures de l’abdomen par lesquelles seront insérées outils et caméra. Cette méthode est moins invasive, permet un rétablissement plus rapide et limite les risques d’infection.

Le chirurgien est contraint de pratiquer une incision classique et d’opérer de façon classique si les lésions sont multiples et/ou profondes.

(Le détail de la colectomie est exposé dans la page Chirurgie de l’intestin, chirurgie colorectale – Colectomie.)

Une radiothérapie peut être prescrite avant la chirurgie, afin de réduire la taille de la tumeur, souvent associée à une chimiothérapie, également prescrite avant la chirurgie, ou après l’opération pour réduire le risque de récidive.

Cancer de l’estomac

Caractéristiques et symptômes

L’estomac appartient à l’appareil digestif et assure la première partie de la digestion et assimilation des aliments. Il est situé après l’œsophage et avant le duodénum.

Le cancer de l’estomac est assez fréquent mais son incidence diminue en France. On en dénombre environ 6500 cas par an, et il touche légèrement plus fréquemment les hommes.

Il se développe à partir des cellules glandulaires de la muqueuse de l’estomac, souvent causées par une infestation par la bactérie Helicobacter Pylori. Des lésions peuvent apparaître plus haut, à la jonction oeso-gastrique, liées à un reflux gastro-œsophagien. Plus minoritairement, le cancer peut se développer à partir de tumeurs fibreuses apparues dans l’estomac.

Le cancer de l’estomac ne provoque aucun symptôme dans sa forme débutante, et peut être découvert lors d’une endoscopie effectuée pour une autre raison.

Les symptômes se manifestant avec la progression de la maladie peuvent être :

  • des douleurs dans la partie haute de l’abdomen,
  • des nausées et vomissements,
  • une altération de l’état général (poids, appétit, énergie, anémie)
  • des saignements gastro-intestinaux foncés.

Le diagnostic est confirmé par endoscopie de l’estomac et de l’œsophage, qui permet de visualiser la tumeur, ainsi que par une biopsie (prélèvement pour analyse).

Un scanner du thorax et de la zone pelvienne permet de mesurer l’étendue de la maladie, les métastases survenant en priorité sur le foie, le péritoine, les poumons ou les os.

Facteurs de risque du cancer de l’estomac

Les facteurs de risque sont :

  • gastrite chronique liée à une infection par la bactérie Helicobacter Pylori,
  • tabagisme,
  • alimentation riche en sel et pauvre en légumes et fruits frais,
  • antécédents familiaux de cancer de l’estomac.

Chirurgie du cancer de l’estomac

Si la tumeur est unique et superficielle, l’opération peut se pratiquer par endoscopie (à l’aide d’un endoscope, instrument long muni d’une caméra).

La chirurgie est le traitement de référence pour les cancers pris à un stade précoce et non métastatique. Le plus souvent l’opération consistera à retirer tout ou partie de l’estomac, avec une reconstruction pratiquée dans la foulée afin de rétablir la continuité du tube digestif.

La gastrectomie est également assortie d’un curage ganglionnaire (retrait des ganglions lymphatiques situés autour de l’estomac).
Cette opération nécessite un bilan nutritionnel préalable, et un suivi alimentaire postopératoire.

Le détail de la gastrectomie est exposé dans la page : chirurgie de l’estomac – gastrectomie.

La chirurgie sera associée à une chimiothérapie avant et après l’opération en cas de cancer à un stade avancé mais toujours localisé au seul organe de l’estomac. La chimiothérapie permet dans ce cas de ralentir voire stopper la progression du cancer.

En cas de cancer ayant essaimé vers un ou plusieurs autres organes, seule la chimiothérapie peut ralentir la progression de la maladie et soulager les douleurs.

Cancer de l’œsophage

Caractéristiques et symptômes

L’œsophage est un organe du tube digestif, composé d’un long tube musculaire qui relie le pharynx à l’estomac. Il permet aux aliments et liquides de passer de la bouche à l’estomac.

Le cancer de l’œsophage est le 3e cancer le plus fréquent de la zone intestinale, après le cancer colorectal et celui de l’estomac. On en dénombre environ 4500 par an, et il est plus fréquent chez les hommes, surtout ceux de plus de 70 ans et plus.

Les cancers de l’œsophage sont de deux types :

  • les carcinomes épidermoïdes sont les plus fréquents, et se développent à partir des cellules plates de la paroi œsophagienne. Ils sont associés à la consommation régulière d’alcool et de tabac.
  • les adénocarcinomes, qui se développent à partir des cellules qui produisent mucus et fluides. Ils sont associés au surpoids et au reflux gastro-œsophagien.

Les premiers stades du cancer de l’œsophage peuvent ne provoquer que des régurgitations, un hoquet et une mauvaise haleine. Le symptôme le plus caractéristique est la dysphagie : difficulté à avaler.

A un stade plus avancé, les symptômes des cancers digestifs interviennent :

  • Altération de l’état général (perte de poids, fatigue, anémie)
  • douleurs au moment de l’ingurgitation, au thorax ou au dos,
  • saignements digestifs.

Par ailleurs, les tumeurs en grossissant peuvent bloquer le passage des aliments vers l’estomac, entraînant une impossibilité de s’alimenter et une perte de poids massive.

Le diagnostic est confirmé par une endoscopie de l’œsophage et de l’estomac, complétée par une biopsie pour analyse des tissus prélevés et détermination du type de cellules cancéreuses.

Un scanner du thorax et de l’abdomen permet d’évaluer l’étendue de la maladie et de détecter d’éventuelles métastases, qui le cas échéant apparaissent sur les ganglions, le foie ou les poumons.

Enfin, un examen ORL peut également détecter la présence d’une autre tumeur dans cette zone, dans les cas de consommation d’alcool et de tabac.

Facteurs de risque du cancer de l’œsophage

Le cancer de l’œsophage peut être favorisé par plusieurs facteurs :

  • le tabagisme et l’alcool, et l’association des deux,
  • l’obésité,
  • le reflux gastro-œsophagien.

Chirurgie du cancer de l’œsophage

Pour les cancers précoces, ne présentant qu’une tumeur bien localisée et superficielle, le retrait de la tumeur peut être proposée par endoscopie : au moyen d’un endoscope, outil introduit par l’œsophage.

Pour une tumeur ne pouvant être retirée par endoscopie, le traitement de référence est chirurgical, par l’ablation de tout ou partie de l’œsophage ainsi que les ganglions associés, suivie d’une reconstruction à l’aide des tissus de l’estomac et parfois du côlon, pour rétablir la continuité digestive.

Ces interventions peuvent être effectuées par cœlioscopie (courtes incisions pour insérer outils et caméra) ou par voie ouverte, selon le nombre, la taille et l’emplacement de la ou des tumeurs.

Une chimiothérapie peut être prescrite avant l’opération, afin de réduire la taille des tumeurs, et être combinée à une radiothérapie, car les carcinomes épidermoïdes sont particulièrement sensibles aux rayons.

Pour les cancers plus avancés, radio et chimiothérapie sont préconisés avant l‘opération, et peuvent constituer l’ensemble du traitement si le patient présente une contre-indication à la chirurgie.

Si le cancer est métastatique et a essaimé à d’autres organes, la chimiothérapie seule est prescrite, pour réduire douleur et développement des tumeurs.

Cancer du foie

Caractéristiques et symptômes

Le foie est un organe distinct du tube digestif mais formant une de ses annexes, comme le pancréas. Le foie a pour fonction de stocker et répartir différents nutriments issus de la digestion, de dégrader des substances toxiques et de fabriquer la bile, qui contribue à l’absorption des lipides.

Le cancer du foie est assez répandu, avec plus 8000 cas dénombrés chaque année en France. L’incidence de ce cancer est en augmentation, en raison de l’augmentation du nombre de personnes souffrant d’obésité. Ce cancer touche plus souvent les hommes, et majoritairement âgés de plus de 50 ans.

Le cancer du foie le plus fréquent se développe à partir des cellules du foie, ou des métastases d’un cancer s’étant développé dans un autre organe.

Dans la majorité des cas, le cancer survient du fait d’une pathologie préalable du foie : intoxication chronique à l’alcool (cirrhose), infection aux virus de l’hépatite B ou C, obésité.

Le cancer du foie est souvent dans un premier temps asymptomatique, ce qui lui permet d’atteindre un stade avancé sans être détecté.

Les symptômes ultérieurs peuvent, de plus, être associés à diverses pathologies :

  • nausées, perte d’appétit, perte de poids,
  • douleurs à l’abdomen,
  • coloration jaune de la peau et des yeux,
  • abdomen gonflé, proéminent,
  • saignements digestifs.

S’il n’est pas diagnostiqué, le cancer du foie peut essaimer en métastases dans tout l’organisme.

Le diagnostic est confirmé par une échographie de la cavité abdominale, un IRM ou scanner, ainsi qu’une biopsie (prélèvement pour analyse).

Facteurs de risque du cancer du foie

Les facteurs de risque sont :

  • La consommation répétée et prolongée d’alcool, et le tabagisme, associés ou non,
  • les hépatites B et C (inflammations virales chroniques),
  • l’hémochromatose (pathologie d’origine génétique du foie liée à un excès de fer),
  • la stéatose hépatique (désordre métabolique lié au diabète, au surpoids ou à l’obésité, conduisant à un excès de graisse dans le foie).

Chirurgie du cancer du foie

Si la tumeur est unique et localisée au foie, et que son emplacement permet la résection, le traitement est chirurgical et consiste en une ablation partielle du foie. Cette opération s’envisage sur un foie qui fonctionne par ailleurs normalement, sans autre pathologie. Cela concerne environ 10 % des cancers.

Le chirurgien ôte la partie atteinte ainsi que les segments de foie irrigués par les mêmes vaisseaux que la tumeur, pour éviter la récidive.

Le foie étant composé de lobes et de segments délimités, le chirurgien choisira d’ôter les segments concernés voire un lobe, selon l’état général du foie et l’emplacement des tumeurs.

La portion de foie laissée doit être suffisamment importante pour qu’il puisse se régénérer, ce qu’il fait en quelques semaines.

L’intervention a lieu sous anesthésie générale, par cœlioscopie ou par voie ouverte, et nécessite 5 à 10 jours d’hospitalisation. Sondes et drains sont retirés après quelques jours, sauf le drain posé au niveau de la vésicule biliaire, qui reste en place 1 à 2 mois, le temps de vérifier que la bile produite par le foie est bien éliminée dans l’intestin.

Les douleurs postopératoires peuvent durer quelques mois, mais elles sont contenues par les antalgiques. Les éventuelles complications sont l’hématome du foie ou l’insuffisance hépatique, qui provoque jaunisse et fatigue.

Une chimiothérapie peut être prescrite avant ou après l’opération, pour réduire la tumeur avant, ou pour éviter la récidive après.

Si le foie doit faire l’objet d’une ablation totale, on peut envisager une greffe de foie.

Il s’agit de cas exceptionnels, qui concernent des patients dont le foie est atteint d’une pathologie antérieure et d’une tumeur cancéreuse, mais qui peuvent supporter une lourde intervention ainsi qu’un traitement anti-rejet à vie.

Si la tumeur est multiple et/ou non opérable, la chimiothérapie sera le seul traitement, associée éventuellement à une radiothérapie. Chimiothérapie et radiothérapie peuvent aussi être administrées par voie vasculaire, à haute dose (chimio ou radio-embolisation).

Cancer du pancréas

Caractéristiques et symptômes

Le pancréas est situé derrière l’estomac et jouxte l’intestin. Il contribue à la digestion et permet de réguler le glucose dans le sang, par la sécrétion de deux hormones, l’insuline et le glucagon.

Le cancer du pancréas est de plus en plus fréquent en France, avec environ 9000 cas par an, également répartis entre hommes et femmes, souvent de plus de 50 ans.

C’est un cancer agressif, dont les symptômes peuvent n’apparaître qu’à un stade avancé de la maladie :

  • Douleurs abdominales dans la partie supérieure de l’abdomen et le dos,
  • jaunisse (yeux et peau jaunis), urines foncées,
  • sensation de ballonnement, nausées, diarrhées,
  • perte de poids et d’appétit, fatigue,
  • diabète.

Sans traitement, le cancer du pancréas essaime vers le foie, les poumons, les os, le cerveau, etc.

Le diagnostic est confirmé par un scanner, un IRM, et une endoscopie sous anesthésie, ainsi qu’une biopsie pour analyse des tissus prélevés.

Facteurs de risque du cancer du pancréas

  • Tabagisme (à l’origine de 30 % des cas mondiaux),
  • Diabète de type 2,
  • Consommation excessive de graisses, en association avec la sédentarité et l’obésité,
  • Consommation d’alcool, par le biais des pancréatites, inflammations elles-mêmes facteurs de risque de cancer,
  • Certaines tumeurs bénignes qui se transforment ensuite en tumeurs malignes,
  • Prédispositions génétiques.

Chirurgie du cancer du pancréas

La chirurgie est le traitement principal du pancréas, l’intervention consistant à retirer la partie atteinte par une tumeur.

La tumeur peut être localisée sur la tête du pancréas, ou sur le corps ou la queue du pancréas. Elle s’étend plus rarement à tout l’organe.

Le chirurgien ôte la partie touchée du pancréas, ainsi qu’une partie de l’intestin, de l’estomac, et : soit une partie de la vésicule biliaire, soit une partie de la rate, selon l’emplacement de la tumeur. Ces marges de sécurité permettent d’éviter une récidive.

Les ganglions lymphatiques voisins sont également ôtés pour éviter la propagation et vérifier qu’ils ne sont pas atteints.

Les soins postopératoires incluent un accompagnement diététique car l’ablation partielle du pancréas pour cause de cancer nécessite une adaptation de l’alimentation, et un apport de compléments alimentaires).

Cette solution n’est efficace qu’en cas de cancer sans métastases sur un autre organe et pour les patients présentant un bon état général. Il faut également que les vaisseaux du foie ou de l’intestin grêle ne soient pas envahis de cellules cancéreuses.

Si la tumeur ne peut être retirée mais perturbe le passage des aliments ou l’écoulement de la bile, il est possible d’installer une prothèse en forme de tube.

Dans les cas où la chirurgie n’est pas possible, le traitement prescrit est la chimiothérapie, parfois associée à une radiothérapie.